mardi 22 mai 2012

Gérer la frustration du départ

Bonjour mon lecteur.
Une question est arrivée ce matin dans la rubrique soutien à la parentalité. Cynthia nous confie une difficulté qu'elle rencontre avec sa fille Lara de 22 mois. Voici ce qu'elle m'écrit : 


"Bonjour,

Je suis la maman de Lara, 22 mois. Je l’emmène tous les jour au parc près de chez moi. Et tous les soir c'est pareil pour repartir c'est la crise. Elle hurle se roule par terre me tape. J'ai beau lui expliqué elle n'écoute rien. Je sais plus quoi faire parce qu'en plus maintenant elle commence à me faire ça aussi quand on va chez ma mère. Est-ce que vous avez des conseils à me donner?

Merci

Cynthia"


Bonjour Cynthia et merci de la confiance que vous m'accordez. Je vais tenter au mieux de répondre à votre question. J'espère que les lecteurs ou lectrices du blog compléteront si le besoin s'en fait sentir.

Lara a beaucoup de chance de pouvoir aller se dépenser au parc. Ce sont des moments très importants pour son développement, tant du point de vue moteur que du point du vue social. Les découvertes et les rencontres qu'elle peut y faire sont chargés d'apprentissages et sont pour elles des instants très agréables.

Il va de soit qu'il est très difficile pour l'adulte comme pour l'enfant de stopper une activité agréable.

La différence entre l'adulte et l'enfant se jouant dans la capacité à gérer la frustration de l'arrêt de cette dite activité.

L'adulte a appris à gérer et à se projeter dans l'idée que ce moment pourra être reproduit plus tard. L'enfant de 22 mois ne peut se projeter aussi loin et se "raisonner".
Passer de l'état d'actif dans une activité intéressante, plaisante, à celui de passif qui subit le choix de son parent est très difficile à vivre pour l'enfant qui l'exprime très souvent au travers de cri, pleurs.. La frustration pour un enfant de cet âge est très dure à gérer, elle ne peut être contenu par l'enfant.

Pour le parent, ces cris, pleurs, gestes "violents" sont souvent compliqués à accepter, il paraissent en premier lieu totalement disproportionnés, inadaptés, exagérés. Ces comportements sont pourtant un moyen d’extérioriser pour l'enfant, et ils sont très importants. Cependant, ils peuvent être diminués, supprimés, mais surtout entendus et compris.

Voici des petites astuces pour aider votre enfant à vivre au mieux ces situations.
  • Anticiper : L'enfant vivra beaucoup mieux l'arrêt de l'activité qu'il est entrain de vivre si il est prévenu avant. Par exemple, si il est entrain de jouer au bac à sable, lui dire : "tu renverses encore trois fois ton seau et nous rentrerons à la maison", si elle est au toboggan, "encore 4 descentes et nous rentrons à la maison" ... L'anticipation, permet à l'enfant de se projeter dans l'action suivante tout en profitant de ses derniers instants. Parfois anticiper n'est pas suffisant. Mais il reste, je pense indispensable de le faire et d'y ajouter d'autres astuces pour compléter.
Même en ayant anticipé, la frustration est toujours là, et elle est normale et logique. Il convient de l’accueillir et de reconnaitre à l'enfant le droit de l'exprimer. "Je comprends que tu aie envie de rester. Jouer au toboggan c'est super marrant. " C'est là qu'il peut être intéressant de transformer la situation en jeu.
  • Jouer : L'enfant est un joueur né, il regorge d'une imagination sans faille. A 22 mois, même si il ne l'exprime pas forcément. Il entre très facilement dans des petits jeux en situation. Par exemple : "oh, est-ce que tu vas réussir à m'attraper??" "Regardes, là-bas, une pomme de pin, est-ce que tu vas réussir à la ramasser?"
  • Lui donner une responsabilité peut également le pousser à "avancer". par exemple : "Je te donne les clefs de la voiture, ou de la maison, c'est toi qui va ouvrir la porte, appuyer sur le bouton de l'ascenseur?" "ohlala, je suis très fière de toi!".
  • Viser des objectifs intermédiaires :  Rentrer à la maison, c'est parfois un objectif lointain. Pas forcément bien représenté dans la tête de l'enfant. Lui proposer d'atteindre la grille du parc, puis le poteau à côté de la voiture rouge, puis l'endroit où l'on aperçoit le chien, ........... pour enfin viser la boite aux lettres de la maison, peut être un moyen d'avancer progressivement.
Même avec toutes ces astuces, il peut arriver que l'enfant soit toujours aussi "triste" et qu'il ne parvienne pas à gérer la frustration du départ. Encore une fois, le plus important et de lui reconnaitre ce droit. Pourquoi ne pas s'assoir à côté de lui, le prendre dans vos bras, lui dire que vous le comprenez. Si il vous repousse  ( c'est très fréquent) faire preuve de patience, quand il aura exprimé suffisamment sa "peine", il saura se réfugier dans vos bras.
Si il vous "tape", il est important d’intégrer qu'il ne vise absolument pas votre douleur, qu'il n'est pas entrain de vous provoquer. Il est seulement entrain de décharger sur vous sa frustration de manière physique et si il le fait c'est qu'il sait qu'en vous il trouvera toujours amour et sécurité affective malgré ses gestes "violents". Il convient de lui proposer un moyen d'exprimer sa frustration, cette décharge physique dont il a besoin, en tapant dans le sac à langer par exemple, en criant, en tapant dans ses mains, en tapant des pieds par terre. Ces comportements qui vous paraissent inappropriés et exagérés sont plutôt bénéfiques pour l'enfant qui extériorise sa difficulté. Une fois cette décharge physique effectuée, il saura trouver tout votre amour dans vos bras.

On peut penser que tout cela prend du temps, qu'il est l'heure de rentrer un point c'est tout, que ce n'est que caprice et colère. Je ne pense pas. Je pense qu'il s'agit plutôt d'offrir à son enfant la possibilité d'exister, d'être reconnu et entendu et que c'est bien le plus important.

Ces moments construisent son avenir. Sa capacité future à gérer frustrations et difficultés, à se sentir exister en tant qu'individu.  Il est, je pense indispensable, que votre enfant reconnaisse en vous la personne qui est toujours là pour lui, à son écoute, respectueuse de sa personne, de son individualité.

J'espère avoir pu vous apporter un peu de soutien. Cynthia, si vous avez d'autres questions n'hésitez pas.
J'invite toutes les personnes qui auraient d'autre réflexions à apporter à les écrire en commentaires! Merci! 

Et si toi aussi tu as une question, je t'invite à m'écrire un mail à washou@free.fr ou à me laisser un commentaire sous la page "soutien à la parentalité "





5 commentaires:

  1. Je suis en train de lire "J'ai tout essayé" de Isabelle Filliozat et j'adore. Il y a justement une page consécrée à ce pb et les conseils que tu donnes sont les bons. On peut également si Lara commence à compter lui proposer de compter le renversage des sauts de sable ou les tours de toboggan et si elle tape chose que je ne savais pas car en bonne maman traditionnelle dont le bourrichon a bien été monté par belle-maman, j'haussais le ton voire je punissais. Peine perdue aucune réaction si ce n'est l'escalade des cris et des pleurs.
    J'ai lu que lorsqu'un enfant criait et tapait c'est parce que son taux d'hormones positives chutait (ce livre me parle vraiment car il y a un côté scientifique qui me rappelle ma thèse). Pour gérer cette chute, il faut procurer des hormones positives à l'enfant. Comment? En le serrant contre nous. Alors oui, il faut oser affronter le regard des autres mamans qui se disent : regarde son fils / sa fille la tape et elle elle lui fait un câlin... En fait ca n'est pas vraiment un câlin mais maintenir l'enfant ainsi contre nous l'aide à se calmer. Je teste ça depuis hier sur Axel, ça marche vraiment. IL redescend tout de suite et me dit : un câlin maman !
    Merci donc à Isabelle Filliozat et merci à toi Steff d'avoir conseillé ce livre ;)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour cette réponse qui complète très bien la mienne!! et effectivement, je conseillerais encore et toujours les livres d'Isabelle Filiozat!! Tous d'ailleurs!! "J'ai tout essayé" et "au cœur des émotions de l'enfant" étant les deux incontournables lorsque l'on a des enfants!

      Et un jour peut-être, je réussirai à m'offrir sa formation!! ^^( Avis aux mécènes qui voudraient me financer!! ;) )

      Supprimer
  2. Ah et j'allais oublier : il est bon de mettre des mots sur ce que ressens l'enfant. "Je sais que tu es frustrée, tu voulais encore jouer mais là, il est l'heure de rentrer" Ca la rassurera de savoir que ce qu'elle ressent est compris par Maman ;)

    Piafette

    RépondreSupprimer
  3. Tout est dit ! Je rajouterais juste que c'est un travail énorme pour les parents qui n'ont pas l'habitude d'appliquer cette méthode, qu'il est important de garder son calme et surtout de se dire que la réaction de l'enfant est légitime, d'accepter que son enfant est besoin d'extérioriser sa frustration.

    RépondreSupprimer
  4. Je découvre cette superbe rubrique et tes conseils bienveillants Steph. En effet,je crois qu'être dans l'empathie afin d'accueillir les émotions du tout-petit lui permet d'exprimer sa frustration et de ne pas l'inhiber dans l'expression de ses sentiments.
    Si je pouvais également conseiller un libre, "parler pour que les enfants écoutent, écouter pour qu'ils parlent"...
    Je suis récemment formée en tant qu'animatrice et cette vision de l'éducation respectueuse permet aussi un développement de l'enfant en lui permettant de s'exprimer (aussi bien tristesse,que colère...) tout en posant des limites sans sanctionner... bref que du bonheur cette formation

    RépondreSupprimer